A 24 ans, Dillon était l’un des hommes les plus en vue de l’île. Les filles défilaient à la boutique pour le voir et en général, il trouvait mille et un prétextes pour les éviter. Il n’avait pas de problèmes avec elles. Juste qu’il y en avait toujours une dans son esprit. A présent, il vivait pratiquement sur ses bateaux. Dillon avait cette petite boutique où il louait du matériel de plongé et nautique. Il dispensait des cours de surf, de planche à voiles mais également de plongé. Sans parlé des visites guidées de l’île qu’il donnait pour l’office du tourisme. Les vacanciers étaient nombreux. Ainsi, Dillon était bien occupé et possédait un train de vie assez élevé. Sa gentillesse, sa discrétion et sa décontraction faisaient le bonheur de plus d’un des habitants. Il avait toujours un petit mot gentil pour l’un d’entre eux. Sauf peut être quelques ex qui n’appréciaient guère de le croiser. Après tout, il les avait plaqué parce qu’elles attendaient de lui un engagement à plus long terme et qu’il en était incapable. Sur le ponton, il s’apprêta à sauter sur le voilier lorsque Diaz, une des trois guides de l’île l’interpella.
« - Elle exige de voir le boss. » « - Elle ? » « - Yep patron ! » sourit Diaz avec cette malice qui lui était connue.
« Donovan. » articula-t-elle avec une petite moue.
« - Emily ? Emily Donovan ? Qu’est-ce qu’elle me veut ? » « - Non. Callie. » répondit Diaz spontanément avant de voir l’air renfrogné de Dillon.
« Tu veux que je lui dise que t’es déjà en mer ? » « - Pas la peine. Je vais lui parler- » « - Parler à Callie… » répéta Diaz, avec ce sourire moqueur aux lèvres.
« on dirait que tu vas à l’abattoir mon ptit poisson ! » Diaz et Dillon étaient amis depuis longtemps. A vrai dire le fait que leurs parents étaient pêcheurs, les avait rapprochés. Ainsi, il n’y avait rien d’étonnant à ce qu’ils soient souvent fourrés ensemble. Tant et si bien que lorsque Diaz tentait de mieux comprendre Dillon, le nom de Callie intervenait parfois dans leurs conversations. Dillon, toujours égal à lui-même faisait ce qu’il savait faire le mieux, il changeait de sujet.
Malgré les pas de Diaz dans son dos, il tentait de faire le tri dans ses pensées. Callie étaient revenue, ils avaient passé la nuit ensemble et depuis, elle avait semblé l’éviter à tout prix. Fort était d’avoué qu’il n’avait pas fait un geste vers elle. Après tout, elle savait où le trouver si elle voulait le voir, lui parler ou encore le tirer à faire la fête dans un bar où à une soirée. Sauf que rien de tout ça n’était arrivé. Et maintenant, elle l’attendait à la boutique. Pourquoi un revirement d’attitude ?
« - T’as couché avec elle ? Elle sait que tu vis comme un moine depuis des mois ? Elle sait que ton père est- » « - Diaz ferme là ! » gronda Dillon en la dévisageant.
« Tu parles encore une fois de mon père devant elle, et je te promets que tu le regretteras ! » « - C’est ta meilleure amie. Tu peux pas lui cacher- » « - Raison de plus ! Elle ne sait rien de toute cette histoire. Absolument rien. » rajouta-t-il en la fixant.
Dillon était discret et réservé. Ce qui résumait assez bien l’homme qu’il était. Il avait une société. Ne roulait pas sur l’or mais il avait néanmoins une situation confortable. Quand à son père, c’était compliqué. Dans le coma depuis plus d’un an, Dillon se battait contre le passé. Si Dillon avait tout mit en œuvre pour rejoindre Callie à New York, après avoir soutiré des informations à droite et à gauche, son père l’avait prévenue que ça ne le mènerait à rien. Une dispute s’était enchainé et alors que son père était partit plonger, Dillon s’était rendu à l’aéroport. Arrivé sur place, il avait été prévenu de l’état désastreux de son père. Une bouteille de plongé trafiqué, un manque d’oxygène et son père avait perdu connaissance. Depuis, ce dernier séjournait à l’hôpital de Blenheim. Toutes les économies de Dillon passaient dans cet hôpital pour son père. Quand à la société, les factures venaient à s’accumuler malgré tous ses efforts pour rapporter un peu plus d’argent chaque jour. Seulement ça, il ne tenait pas à ce que Callie l’apprenne. Il n’était pas un bon fils alors comment pourrait il être un bon petit ami pour elle ? De plus, il voulait réellement préserver son amitié avec elle. Car qui sait comment les choses risquaient d’évoluer si jamais elle apprenait la profondeur de ses sentiments ? Il était totalement dans le flou. Perdu entre son cœur et sa raison. Et son retour ne l’aidait vraiment pas à y voir clair. S’approchant de la boutique, il poussa la porte, Diaz toujours sur ses talons. Il entendit juste un souffle avant qu’elle passe la porte de service.
« - Crie, si t’as besoin d’aide ! » ironisa Diaz.
Il préféra ne rien répondre et laissa son regard parcourir la boutique avant de le repérer près des combinaisons de plongée.
« - Salut Callie… » chuchota-t-il dans son dos, d’une voix tendue et troublée par celle qui était devant lui.
Quelques mois leurs ont suffi pour faire un bond en avant. Un couple. Calypso Donovan et Dillon Blackhawk. Il avait été difficile de faire un pas dans les rues de Blenheim sans les voir s’afficher main dans la main. Qui plus est, la jeune Donovan ne cachait pas cette grossesse qui lui donnait des formes avantageuses. Quant au père, était ce Dillon ? Bien des commérages persistaient sur la question mais c’était avant la tempête. Celle-ci fit de nombreux dégâts sur l’île. Beaucoup de blessé et de dommages matériels. Certains ont perdus la vie et d’autres ne se sont pas encore réveillés.
Blenheim n’est plus ce qu’il était. Ce genre de catastrophe n’est pas aussi fréquente qu’on peut l’imaginer durant la saison des pluies. Mais dans la vie des deux tourtereaux, elle a un écho de terreur.
La tête tournée vers la fenêtre, la lumière perce à travers les stores baissés. Le soleil est encore bas dans le ciel mais lui, est déjà réveillé. Des habitudes venant de cette enfance où les journées n’étaient déjà pas assez longues. Ça, il s’en souvient contrairement au reste de sa vie. Cette pensée le fait soupirer. Il a l’impression d’avoir à nouveau 16 ans. Le grincement du chariot de l’infirmière dans le couloir l’oblige à sortir de ses pensées. Fixant un instant le plafond, il espère secrètement quitter cet endroit pour retrouver le seul endroit où il se sent chez lui, l’océan. Il tourne la tête pour s’apercevoir qu’elle est restée là toute la nuit. Callie. Son regard glisse sur elle, comme s’il la redécouvrait. Elle est là, comme toujours. Intimement, c’est la seule chose qu’il sait. Qu’elle est là et ne l’abandonnera jamais. Mes ses croyances sont-elles véritables ? L’accident lui a fait perdre la mémoire et personne n’ose lui dire ce qui s’est produit durant ces années.
Un soupir et il croise son regard. Le malaise s’installe et il ignore encore d’où il vient. Pourquoi est-ce si difficile de parler avec elle dorénavant.
« - Tu devrais rentrer te reposer. Une chaise, c’est pas l’endroit idéal pour dormir… surtout dans ton état. » Cette simple phrase a le don d’allumer des éclairs de colère dans les yeux de la jeune Donovan. Et voilà que ça allait partir en sucette. A cause de quelques mots et d’une mauvaise interprétation. Parce que malgré lui, il s’inquiète pour elle, même s’il ne comprend pas pourquoi.
« - J’suis pas impotente Blackhawk et t’as pas d’ordres à me donner. Aux dernières nouvelles, c’est toi qui gis dans un lit d’hôpital. »Visiblement même une amnésie ne suffirait pas à lui faire oublier leurs incessantes chamailleries. Un rien qui pouvait dégénérer en dispute apocalyptique.
« - Merci de me le rappeler, j’l’aurais presque oublié, ça aussi ! » grince-t-il cynique lorsqu’un courant d’air se fait ressentir et que la présence d’une autre personne débarque dans la chambre où l’atmosphère s’alourdit de secondes en secondes.
« - Oh… » Lâche la blondinette.
« Je dérange ? » « - Oui ! Non ! » Lancent-ils en cœurs, avant que Callie reprenne à la première occasion.
« Visiblement ma présence dérange Monseigneur ! »La bouche ouverte, il est encore sous le coup de cette remarque lorsque Diaz prend la place de Callie sur le fauteuil, qu’elle vient de laisser en sortant en trombe de la chambre.
« - Ferme la bouche, tu vas gober les mouches. » Diaz et ses sarcasmes, c’était immuable comme le soleil dans le ciel. Refermant la bouche, il tourne la tête vers elle.
« Alors qu’est-ce que j’ai loupé de si intéressant dans la vie trépidante de Dillon Blackhawk ? »