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Indie Mahé Skelden :

« Est-ce que tu m'aimeras encore dans ma petite mort ?»
STARRING MATHIAS LAURIDSEN

I think it's not to be

NOM: Skelden ; me demandez pas d'où ça sort, j'en ai aucune idée. Enfin, de toute évidence, c'est un patronyme anglophone que je porte. Je l'aime pas, le 'Skel' me fait penser à des squelettes.
PRÉNOMS: Indiana ; ah oui, c'est long, ça sort de nulle part (Indiana Jones, banane !) et les copains de classe, les professeurs et la famille m'ont très vite rebaptisé Indie pour laisser la version longue tomber dans l'oubli. Mahé ; sans doute d'origine maorie, mes parents avaient bu le jour où ils ont choisi mes prénoms.
ÂGE: 25 ans ; le bel âge, au juste milieu entre la vingtaine et la trentaine. Vaut mieux en profiter.
LIEU DE NAISSANCE: Singapour ; ville dont je n'ai qu'un vague souvenir, il parait que c'est les riches qui vivent là, mais mes parents sont retournés en Nouvelle-Zélande à la naissance de ma sœur.
EMPLOI: Instituteur à la maternelle ; les moqueries, on m'en a servi trois tonnes depuis que j'ai voulu faire ce métier (à quinze ans), donc merci, je peux m'en passer. Je sais que ce n'est pas viril (de toute façon, personne ne m'a jamais trouvé viril), que y'a que des filles qui font ça, mais je sors des sentiers battus, moi. C'est une qualité, si, si.
STATUT: En couple ; oui, ça peut vous surprendre, à mon âge, avec mon physique de p'tit con et compagnie, mais je suis bien en couple, depuis deux ans, je l'aime et c'est tout.
GROUPE: Life in technicolor.

I & my enthusiastic cloud

« Indie. Indie, on peut l’envisager de toutes les manières possibles, l’observer sur toutes les coutures, il sera toujours le même casse-tête pour moi. Déjà, comment expliquez-vous qu’un gars de quinze ans décrète un jour, comme si la foudre l’avait frappé, qu’il veut devenir instituteur A LA MATERNELLE, s’il vous plait ? Cela n’a strictement aucun sens. C’est un ange, je sais, je conçois qu’il n’a jamais été du style à vouloir devenir camionneur, mais quand même, comment a-t-il pu tomber aussi… Enfin, sur une idée aussi farfelue et si peu virile ? Le mystère reste entier. Bon, pas tout à fait. Même si son coming out m’a surprise, après réflexion, c’est vrai que c’était la chose la plus évidente du monde, et c’est plausible que ce soit sa tendance qui l’ait conduit vers un métier pareil. En tout cas, il n’a pas honte de lui et j’aime qu’il ne se laisse pas démonter face aux critiques et aux blagues idiotes que l’on fait sur lui. Je suis fière de mon frangin. »

Journal intime de Indie ; 15 mars

Le titulaire a encore posé la question. Je ne sais toujours pas quoi répondre. Quoi faire de ma vie, ça ne devrait pas être si difficile à trouver, non ? J’essaye de piocher dans les idées des autres : médecin, sportif de haut niveau, expert-comptable, informaticien, kinésithérapeute, psychologue, écrivain, etc. Mais rien de tout cela ne m’attire vraiment. J’ai tenté d’y réfléchir sérieusement pendant la pause de midi, mais Travis s’était assis devant moi et il faisait des mouvements de cheveux très déconcentrant. En plus, il me parlait, mais je n’ai rien capté à ce qu’il racontait, trop occupé à me demander quel shampoing il utilise. De toute façon, ça ne devait pas être intéressant, il est toujours dans son trip de devenir acteur de cinéma et il me récite des scènes de théâtre. Il est tellement populaire, je ne sais pas pourquoi il me dit tout ça à moi, alors que cinquante filles se traînent à ses pieds chaque jour. A mon avis, je suis le seul con à l’écouter un tant soit peu.

20 mai

Je dois présenter mon projet d’avenir à la classe. Dans trois jours. Je n’ai toujours rien en tête, évidemment. J’y arrive pas. Militaire, historien, journaliste, kinésithérapeute, … Pourquoi les autres ont-ils autant d’idées et pas moi ? Travis m’a définitivement zappé de son cerveau, ce matin il m’a bousculé, il s’est excusé, mais j’ai dû lui rappeler mon prénom. Ses cheveux ont toujours l’air aussi soyeux, je me retiens toujours autant de les toucher quand je le croise, enfin, trouver ce que je veux faire plus tard. Tant que j’y pense, il y avait une petite fille perdue au supermarché. Elle pleurait au rayon bonbons, je l’ai emmenée à l’accueil, et sur le chemin, elle n’a pas arrêté de me demander ce que c’était ci et ça, elle était adorable.

21 mai

Travis a soudain repris conscience que j’existais : il n’a pas envie d’écrire son projet d’avenir. Il sait si bien parler de ça, pourtant. Je l’ai encore écouté à moitié, et oh, chose impossible : IL M’A POSÉ UNE QUESTION. Il voulait savoir ce que je comptais présenter à la classe. J’ai dit que je ne savais pas. Et après, sans doute une déconnexion dans son cerveau, je vois pas d’autre explication, il m’a demandé ce que j’avais fait hier. Je lui ai raconté l’histoire avec la petite fille. Il m’a dit que je n’avais qu’à faire instituteur si j’aimais les enfants. L’air de rien, il est pas si débile, Travis. Instituteur à la maternelle, c’est ça que j’ai envie de faire. Bien sûr, je ne peux pas aller raconter ça devant ma classe, ils se foutraient tous de moi.

23 mai

Comme je l’avais prévu : ça s’est très mal passé. L’horreur. La honte. J’ai failli fondre en larmes devant tout le monde. J’ai eu le temps de partir en courant avant. Pourtant, c’est ça que je veux faire, je le sais bien. C’est lui qui a ri le premier, alors que j’ai toujours été super gentil avec lui. Et puis, c’est lui qui m’a donné l’idée. Même le prof s’y est mis. C’était atroce. J’y croyais tellement, que si moi j’avais confiance en ce que je voulais faire, les autres ne se moqueraient pas de moi. Mais, en fait, non. Je ne sais pas comment j’ai pu être aussi obnubilé par Travis pendant tout ce temps. C’est qu'un crétin.

***

Le supermarché m’aura apporté beaucoup : j’avais vingt-trois ans, un job tout beau tout neuf, un appartement que je partageais avec ma sœur et ce fut le coup de foudre au rayon produits laitiers.

J’étais en pleine contemplation des prix des fromages de chèvre quand une voix délicieuse tinta tout près de mes tympans. « Un renseignement sur les chèvres, peut-être ? » Je reculai d’abord d’un bond, surpris par notre proximité quand beauté fatale reprit : « Excusez-moi, je ne voulais pas vous faire peur. C’est qu’on voit rarement des jeunes hommes comme vous dans ce rayon. » « Comme moi ? » « Oui, ils sont plutôt tous fourrés au rayon jeux vidéos. » « Vous me donnez quel âge, sérieusement ? Je ne vous ai jamais vu, c’est un job d’étudiant ? » Il s’esclaffa, et je restai pantois face à son sourire colgate. « Je n’ai plus l’âge de faire des jobs de vacances, j’ai vingt-cinq ans. Vous, je vous donne… Dix-huit, dix-neuf ans ? » « C’est très aimable à vous. » « Et je peux vous demander votre âge réel ? » « Vingt-trois. » « Vous ne les faites pas. » « Merci. » « Vous, vous êtes gay, je me trompe ? » « Qu’est-ce qui vous fait dire cela ? » « Vous aimez qu’on vous prenne pour plus jeune que vous ne l’êtes. Les hétéros ont cette tendance à vouloir sembler d’âge mûr, les femmes aiment ça, parait-il. » « Les hétéros ont des tendances étranges dans ce cas. » « Donc, vous êtes homo. » « C’est exact. Je peux avoir des infos sur le fromage maintenant ? » « Je le suis aussi. » « De ? » « Homosexuel. » « Je suis content pour vous. Les fromages de chèvre sont comment, alors ? » « Aucune idée, je ne vis pas ici depuis assez longtemps pour le dire. Je peux me documenter en rentrant chez moi, et je vous réponds ce soir lors d’un dîner en tête-à-tête dans un grand restaurant ? Ce n’est qu’une proposition, évidemment. »

1 2 3 4 tell me that you love me more

« Indie et son amoureux, Indie et Colin, c'est maintenant plus possible de les imaginer séparés. Cela ne fait que deux petites années, certes, mais c'est déjà ça, et quand je les vois, je vois à quel point ils s'aiment, et ça me fait un bien fou de voir que mon frangin a enfin trouvé quelque chose de bien dans sa vie. »

© woochann

BOOOOOOOOOOUH ! ♥